Maintenant que je t’ai conté tout cela, il me reste le plus difficile à te dire. Je vais le faire en reprenant les mots qui me sont venus au cœur dans les mois qui ont suivi…
Voilà, le dernier souffle s’est produit. Mon homme, celui avec lequel j’allais bientôt amorcer une retraite bien méritée, cet homme encore jeune aux yeux de tous, a quitté ce monde. Le corps qui reposait sur le lit d’hôpital, dans cette chambre sombre des soins palliatifs, ne serait plus jamais animé, les yeux ne lanceraient plus jamais de regards moqueurs, je ne verrais plus jamais son beau sourire et ses yeux pétillants de malice, avec ses petites paillettes dorées dans l’œil … droit ou gauche ? Déjà, je ne me souviens plus. J’aimerais voir, revoir, répondre à cette question lancinante. Mais ils sont vides, maintenant, ces beaux yeux. Et je reste avec ma question angoissante, qui devient énorme, prend toute la place et me noue la gorge de chagrin.
Mes yeux à moi ne peuvent plus vraiment pleurer on dirait. J’agis comme un zombie. Il faut que je signe les papiers pour le don d’organes… il était si généreux, c’est ce qu’il aurait voulu.
4 heures du matin. Nous sommes de retour à la maison. Ma fille me demande si je me sens assez forte pour dormir seule : « Merci beaucoup ma pitoune, ça va aller ! » Je me crois brave, et forte, et « capable » ! Mais après quelques minutes seulement, je m’effondre : le corps ne résiste pas, le cœur prend l’eau et la déverse. Je tremble, je pleure, je ne respire plus. Gabrielle vient me prendre dans ses bras, et nous pleurons ensemble. J’ai perdu ma moitié, elle a perdu son père, un repère, un point d’ancrage pour tout enfant.
Et Vincent, notre fils, passera la nuit suivante à créer, pour son père, parce qu’il sent qu’il le doit, un site Web à son nom, le plus bel hommage qu’il se sente capable de lui donner, de tout son cœur, avec tout son amour.
Sylvain, nous avons de beaux et bons enfants, tu ne trouves pas ?